Projet de budget 2025 : la Fonction publique encore attaquée
Le gouvernement de droite (au moins 34 ministres ou secrétaires d’État sur 39), composé de personnalités très peu représentatives de la population française (formées en écoles de commerce : 36 % des ministres et secrétaires d’État ; issues de la Manif pour Tous : 8 sur 17 ; millionnaires : la moitié…), n’a pas réussi lors du budget à cacher sa haine du service public, qui va sans doute de pair avec celle de la démocratie1.
Pendant le débat sur le budget, alors que le gouvernement Attal-Lemaire a plombé les finances de l’État, les député·e·s de droite ont été impressionnant·e·s… d’absentéisme. Pour, à la fin des débats, voter en masse avec le RN contre le texte amendé ; ainsi le gouvernement utilise toutes les tactiques possibles pour préserver tous les cadeaux faits à l’oligarchie par les gouvernements qui l’ont précédé.
Et il agite ses gris-gris coutumiers : baisser les droits des chômeurs/ses ! baisser les prestations sociales pour la population ! « Réorganiser » les services publics ! Lutter contre l’absentéisme des fonctionnaires ! Mais il ne dit rien sur sa politique économique qui plombe le budget, comme les affaiblissements massifs de cotisations sociales des groupes déjà riches2, les niches fiscales en vigueur pour les plus riches3 ou l’évasion fiscale4.
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Parmi les mesures concernant les fonctionnaires dans le projet de budget 2025, on annonce le passage, en cas d’arrêt-maladie ordinaire, de un à trois jours de carence, avec une rémunération diminuée de 10 % durant les trois premiers mois de congé-maladie ordinaire (CMO)5 … au nom bien sûr de l’« équité avec le privé », pour « aligner le public sur le privé » selon le ministre de la Fonction publique – pour un montant avoisinant 1,2 milliards d’euros.
Or selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans les faits, l’employeur de 70% des travailleurs et travailleuses du privé maintient intégralement leur salaire à l’issue de leurs jours de carence. Et une majorité échappe aussi au délai de carence : de nombreuses conventions collectives prévoient des dispositifs plus favorables que la loi, selon le site de l’Assurance maladie (ameli.fr). Ainsi, « deux tiers [des salarié·e·s du privé] sont protégé·e·s contre la perte de revenu induite par le délai de carence » selon le même rapport de l’IGAS.
En conséquence, l’adoption de cette mesure serait une violente attaque contre les fonctionnaires : vus les montants offerts au plus riches, et la situation réelle dans le privé, ce serait une nouvelle confirmation que les contraintes budgétaires, qui pourraient trouver d’autres résolutions, servent de prétexte à la dégradation progressive de la Fonction publique, dans une idéologie exaltée du tout-marché. Les attaques contre le régime d’assurance-chômage, pourtant bénéficiaire, et alors que les représentant·e·s des syndicats et du patronat avaient commencé à trouver un terrain d’entente, même partiel, montrent de la même façon cette soumission du gouvernement aux intérêts de l’oligarchie.
Faire payer les fonctionnaires malades ? Une bien belle mesure en vérité, qui pourra aussi pousser des personnes à se rendre au travail malades, faisant prendre le risque de provoquer des arrêts plus longs ensuite, voire d’autres arrêts par la facilitation de la propagation de maladies.
Or, une étude de 2019 de la Direction générale de l’administration et de la Fonction publique (DGAFP) donne des chiffres très clairs : pour ce qui les concerne, les fonctionnaires d’État sont beaucoup moins absent·e·s que les salarié·e·s du privé, et les enseignant·e·s encore moins : la part d’absence d’au moins un jour pour raison de santé sur une semaine était en 2019 de 2,6% pour les enseignant·e·s et de 3,2 % pour les fonctionnaires d’État, contre 3,9 % pour les salarié·e·s du privé.
D’autre part, un rapport de 2020 de la même DGAFP sur les conditions de travail indique qu’en moyenne 4,8 % des agent·e·s de la fonction publique (3,3 % de la FPE, 5,9 % de la FPT et 6,1 % de la FPH)6 ont été absent·e·s pour raison de santé contre 4,4 % des salarié·e·s du privé. Une année particulière qui ne prouve pas grand’chose.
Ces différences structurelles, données qui plus est en moyenne, ne viennent en aucun cas consolider la justification que donne le gouvernement pour porter ses coups contre la Fonction publique : il conviendrait de comparer également les conditions de travail, bien souvent à l’origine d’atteintes à la santé. On ne peut pas penser que c’est un hasard si c’est dans la Fonction publique hospitalière que l’on constate plus d’arrêts-maladie, alors que la FPH a subi au fil des années de honteuses pressions, réductions de budget réel et désorganisations de la part des mêmes politiques.
Le rapport de 2020 précise d’ailleurs qu’« [en] 2019, comme précédemment, les agents de la FPH sont plus souvent soumis à des horaires de travail atypiques (horaires alternants, travail le dimanche, de nuit, etc.) que l’ensemble des salariés. Ces agents sont aussi plus souvent que les autres confrontés à des contraintes de rythme et à une intensité du travail élevée ».
Voilà ce que fait ce gouvernement de macronistes et de droitiers de tous poils : plus tu étais applaudi·e parce qu’en « première ligne » pendant le confinement, plus on te tape dessus maintenant. Le gouvernement ne se contente pas de reconnaître l’engagement et le travail de 5,7 millions d’agent·e·s publics, il les désigne à la vindicte et il s’attaque aux malades. Après la confirmation de la poursuite du gel du point d’indice et la suppression de la « garantie individuelle du pouvoir d’achat » (GIPA), le gouvernement veut maintenant donner un nouveau coup de masse à sa politique anti-fonctionnaires.
Cette politique est tout à fait nuisible à l’intérêt général : elle dégrade les conditions de travail de la Fonction publique, et les services publics eux-mêmes, dont la population bénéficie. Avec ce budget d’austérité il est d’ailleurs également question de la suppression de plus de 3 000 postes de fonctionnaires (sauf défense, intérieur, justice, outremer et enseignement supérieur), et de 4 000 postes d’enseignant·e·s pour 2025.
Il est inacceptable que l’État, déjà mauvais employeur (et que dire de l’Éducation nationale…), dégrade encore les conditions de travail des agent·e·s publiques, à rebours, du reste, d’une politique de santé publique digne de ce nom !
Nous revendiquons, dans tous les secteurs, zéro jour de carence en cas d’arrêt-maladie, et le maintien intégral du salaire pendant six mois ; une politique orientée vers l’amélioration des conditions de travail de toutes et tous, sans discrimination ; des services publics renforcés pour toute la population, dans les villes comme dans les campagnes ; la réappropriation collective de l’énorme part de richesse, produite par les travailleuses et travailleurs, qui est confisqué·e·s par des actionnaires ou autres rentier·e·s.
Celles-ci et ceux-ci annoncent et préparent d’ailleurs de massives suppressions d’emplois dans tout le pays, malgré des bénéfices records, et malgré l’aide publique massive que l’État a versée à de nombreuses entreprises propriétés de groupes financiers7.
La lutte de classes, l’oligarchie la mène tous les jours contre les travailleuses et les travailleurs – ne la laissons pas seule ! Saisissons-nous collectivement, joyeusement et avec détermination, de l’outil du syndicalisme de lutte de classes ! Pour une autre société et une autre école.
- Sources : liberation.fr, theconversation.com ↩︎
- 21,8 milliards d’euros par an dont la moitié revient aux plus grosses entreprises. Sources : wikipedia, ses.ens-lyon.fr, lemonde.fr, humanite.fr ↩︎
- En France, sur la feuille d’impôt de 2017, 60 % des champs de réduction concernaient… 0,003 % des foyers ; les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses du pays ; 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres ; TotalEnergies affiche un bénéfice net de 21,4 milliards d’euros pour 2023 ; la richesse de Bernard Arnault en 2023 était estimée à 67 milliards d’euros et en 2024, les 500 plus grandes fortunes françaises ont dépassé pour la première fois les 1 200 milliards d’euros ; les 0,0002 % plus grandes fortunes du pays ne paient que 26 % d’impôt sur leur revenu, contre environ 50 % pour un contribuable figurant dans les 10 % les plus riches ; l’impôt sur les sociétés est très bas, à 25 % ; les revenus financiers (dont les dividendes versés aux actionnaires) sont imposés à un très bas taux, depuis la suppression de l’ISF : moins de 30 %. Pendant ce temps, un·e français·e sur cinq est en situation de précarité énergétique… Sources : lemonde.fr/economie, lemonde.fr/les-decodeurs, oxfamfrance.org, politis.fr ↩︎
- Entre 80 et 120 milliards d’euros par an selon l’évaluation de Mme Leduc, rapporteure spéciale sur l’évasion fiscale à l’Assemblée nationale (mars 2024). ↩︎
- Actuellement un·e fonctionnaire en CMO est à plein traitement pendant 3 mois, puis à demi-traitement pendant 9 mois. ↩︎
- FPE : Fonction publique d’État ; FPT : Fonction publique territoriale ; FPH : Fonction publique hospitalière. ↩︎
- Autres sources pour cet article : IGAS, DGAFP, Assurance maladie, vie-publique.fr, capital.fr, mediapart.fr, les surligneurs.eu ↩︎