
Un collectif d’associations, partis politiques et syndicats organise depuis plusieurs mois à Lens des tractages hebdomadaires et des manifestations mensuelles. LDC éducation Hauts-de-France a participé à la manifestation du samedi 25 octobre 2025 ; en voici la prise de parole, axée sur la situation de l’Éducation à Gaza.
Le syndicat Lutte de Classes éducation Hauts-de-France souscrit bien évidemment aux propos déjà tenus par les autres organisations du collectif. Dans le souci d’éviter les redites, il s’exprime en focalisant l’attention sur la question éducative à Gaza, une parmi les trop nombreuses difficultés qui s’accumulent malgré le fragile cessez-le feu.
Il va falloir reconstruire les écoles, dont ont été privé·e·s les enfants palestinien·ne·s. Les agences humanitaires des Nations Unies préviennent qu’à cause de la guerre, près de 700 000 enfants de l’enclave palestinienne sont privé·e·s d’école pour la troisième année consécutive1.
Effets des attaques israéliennes sur l’Éducation
La suspension de l’année scolaire 2023-2024 avait laissé 22 500 enseignant·e·s à Gaza sans école2. Combien sont encore vivant·e·s ? Combien vivent encore sur place ? Combien sont en état d’enseigner ?
Un rapport rédigé par des chercheur·se·s de l’Université de Cambridge, du Centre d’études libanais et de l’agence des Nations-Unies pour les réfugié·e·s palestinien·ne·s (UNRWA)3 affirme que les attaques israéliennes ont retardé de cinq ans l’éducation des enfants palestiniens et risquent de provoquer l’émergence d’une « génération perdue »4.
Selon le droit humanitaire international, les écoles sont censés être des espaces protégés5. Selon l’ONU, 97 % des écoles de l’enclave côtière ont été détruites ou endommagées par les bombardements israéliens et 15 000 jeunes en âge d’être scolarisé·e·s ont été tué·e·s.
Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (UN-OCHA6) précise que quelque 71 000 élèves ayant déjà perdu deux années scolaires consécutives ne peuvent pas passer à l’enseignement supérieur car ils et elles n’ont pas pu passer les examens généraux de l’enseignement secondaire au cours des deux dernières années.
Selon le groupe sectoriel de l’ONU chargé de l’éducation, seul·e·s environ 38 % des enfants d’âge scolaire, soit 250 000 enfants, ont pu accéder à une forme d’apprentissage organisée ou soutenue par des agences au cours des deux dernières années. Grâce à des espaces d’apprentissage temporaires, ces enfants ont pu profiter d’une combinaison de soutien psychosocial, d’activités récréatives et d’une certaine continuité de l’éducation. C’est déjà ça, mais :
« En d’autres termes, plus de 60 % des enfants d’âge scolaire n’ont eu accès à aucune forme d’apprentissage ou de soutien pendant près de deux ans », a regretté ce Bureau.
Solidarité laïque parle d’éducide en Palestine et appelle à défendre le droit universel à l’éducation. Ce terme d’“éducide” est employé par certain·e·s chercheur·se·s car l’École ne peut pas jouer pas son rôle crucial de protection, pour des milliers d’enfants qui ont perdu leurs parents, qui ont été séparé.e.s (17 000 enfants non accompagnés de leur famille) et/ou déplacé·e·s. Toutes et tous ont subi des traumatismes de guerre qui nécessitent une prise en charge en santé mentale ou en suivi psychologique7.
Selon l’OCHA, environ 56 000 enfants âgé·e·s de six ans devraient entrer à l’école pour la première fois cette année. En septembre 2025, 27 000 élèves se sont inscrit·e·s à l’épreuve en ligne organisée par le ministère de l’éducation palestinien pour le tawjihi (baccalauréat)8… quand il y a internet !
Tous les niveaux de l’école sont touchés.
À titre d’exemple, l’Université d’Israa, située à Al-Zahra, au sud de Gaza-ville, est détruite par l’armée israélienne en janvier 2024. L’Université de Beir Zeit est pillée par l’armée israélienne avant sa destruction9.
L’Internationale de l’Éducation, qui regroupe plus de 380 organisations syndicales de tous les continents, dénonce la destruction massive de vies humaines et les souffrances généralisées causées par la guerre dans la bande de Gaza et les territoires palestiniens occupés10.
Alors OUI cette avalanche de chiffres est indigeste, OUI elle donne le tournis. Mais justement il va falloir agir concrètement aussi sur cette réalité-là.
Reconstruire l’École
Fournir les équipements, les fournitures scolaires, les éléments vitaux pour fonctionner et permettre aux enfants d’envisager une vie normale. Bien sûr avoir de l’eau potable, de la nourriture, des soins immédiatement. Mais penser à la reconstruction de la société.
Va-t-on voir la même générosité, ou même simplement la même humanité, qu’en 2022 envers les écolier·e·s ukrainien·ne·s, quand les autorités israéliennes permettront un réel accueil d’enfants réfugié·e·s en Europe, en France ?
On peut en douter quand on observe la réticence à nommer le génocide, réticence bien organisée par les chiens de garde médiatiques. Verra-t-on la diffusion de lexiques bilingues, une action louable et digne de l’enjeu à l’époque pour l’Ukraine.
On peut en douter quand on voit l’acharnement institutionnel envers la collègue qui a organisé une minute de silence pour les Palestinien·ne·s.
On peut en douter quand on voit pavoiser l’Assemblée Nationale aux couleurs de l’Ukraine mais sanctionner un parlementaire qui oserait montrer un drapeau palestinien.
Soyons à la hauteur et faisons en sorte que cesse ce « deux poids deux mesures ».
Soutenons toutes les actions qui existent et qui sont amenées à se développer.
L’UNRWA souligne le rôle de l’éducation dans la guérison des traumatismes des enfants de Gaza après ces années de guerre israélienne dévastatrice1.
Reconstruire l’École est donc nécessaire pour les enfants palestiniens, pour la société dans son ensemble, Israël compris.
Mais il est tout aussi important de regarder ce qui se passe dans la jeunesse israélienne.
Il est glaçant de voir la propagande militariste israélienne omniprésente à l’école. Le film « Innocence » projeté la 14 octobre dernier au Toit Commun à Lens montrait des écolier·e·s israélien·ne·s incité·e·s à dessiner soi-disant ce qu’ils voulaient, mais très rapidement influencé·e·s vers des dessins de soldat·e·s, de chars d’assaut… Quel genre d’adulte cela va-t-il générer dans quelques années ?
Quand on sait que la prolifération des armes et les postures virilistes sont les carburants de tueries de masse régulières, on peut douter que ces ingrédients apportent de l’apaisement dans une société israélienne à ce point déchirée.
C’est à l’école qu’on construit la société de demain ! Alors construisons là-bas aussi l’école qui changera la société.
- Plus de 650 000 enfants de Gaza ne sont pas scolarisés depuis trois ans, selon une agence de l’ONU (TRT Français, 16/10/2025) ↩︎
- How Israel has destroyed Gaza’s schools and universities (Al Jazeera, 24/01/2024) ↩︎
- Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. ↩︎
- Israel’s Bloody Record of Bombing Schools in Gaza (The Intercept, 6/10/24) ↩︎
- Gaza : les écoles, transformées en refuges, en première ligne du conflit (UNICEF, 8/11/24) ↩︎
- United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs ↩︎
- Éducide en Palestine – Défendons le droit universel à l’éducation (Solidarité Laïque, 4/06/24) ↩︎
- À Gaza, passer le bac malgré les bombes et la faim (lemonde.fr, 14/09/25) ↩︎
- “Israeli army” blows up Israa University in south Gaza (royanews, 18/01/24) ↩︎
- L’Internationale de l’Éducation dénonce la destruction massive de vies humaines et les souffrances généralisées causées par la guerre en cours dans la bande de Gaza et les territoires palestiniens occupés (UNSA éducation, 18/06/25) ↩︎
- Plus de 650 000 enfants de Gaza ne sont pas scolarisés depuis trois ans, selon une agence de l’ONU (TRT Français, 16/10/2025) ↩︎
Complément : un accès limité à l’Internet
Plus largement, les partenaires chargé·e·s de l’Éducation continuent de faire face à d’énormes défis pour étendre l’accès à l’éducation aux enfants dans un contexte d’hostilités, de bombardements, de destructions, de déplacements, d’entraves à l’accès et de contraintes financières.
Plus de 86 % de Gaza se trouvent dans des zones militarisées par Israël ou dans des zones soumises à des ordres de déplacement. Selon l’OCHA, 166 espaces d’apprentissage temporaires ont été contraints de suspendre leurs activités en raison de l’insécurité et des ordres de déplacement depuis le début de l’année 2025.
Au cours de la même période, 239 espaces d’apprentissage temporaires supplémentaires ont été détruits ou fermés en raison de contraintes financières. L’accès limité à Internet entrave l’apprentissage en ligne, y compris les cours organisés par l’UNRWA et le ministère.
Rappelons la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et défendant partout dans le monde ce droit universel, nous ne pouvons pas nous taire.
« L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. » – DUDH : Article 26. 2
Le néologisme « scholasticide », déjà utilisé en 2009 pour décrire « la destruction systématique par les forces israéliennes des centres d’éducation chers à la société palestinienne », refait surface durant les hostilités de 2023 et début 2024. La professeure Chandni Desai de l’Université de Toronto écrit : « Le scholasticide n’est pas un génocide en soi, mais on peut soutenir qu’il fait partie d’une guerre génocidaire ».